Nous nous retrouvons à 14.45 à l’aéroport de Madrid avec longue-vue, appareil photo malade et bagages (le tout pèse plus de quarante kilos !), pour entamer la dernière partie de notre voyage, à savoir une semaine en Estremadure avec le CEPOB (centre d’étude et de protection des oiseaux de Bienne et environs). L’avion qui amène nos concitoyens de Cointrin arrive avec une demi-heure de retard et celui qui a décollé de Bruxelles avec à son bord une « Cepobienne » atterrit, lui, avec une heure et demie de retard ! Finalement, il est 17h lorsque l’équipe se retrouve au complet et peut s’installer dans le car qui nous conduira toute la semaine sur les lieux d’observation des oiseaux, soigneusement choisis par Jésus, notre guide espagnol.
Deux heures de route nous séparent de Torrone el Rubio, un petit village proche du Parc National de Monfragüe où nous logerons les six prochaines nuits.
L’Estrémadure est une région du centre de l’Espagne, limitrophe avec l’Andalousie et le Portugal. Suite à un sondage parmi les membres du CEPOB, cette région a été plébiscitée pour y organiser un voyage commémorant les 40 ans de la société. Pourquoi ce choix ? L’Estrémadure peut être considérée comme l’une des plus importantes régions européennes sur le plan ornithologique, un véritable paradis pour les oiseaux favorisé par l’excellent état de conservation de ses habitats naturels et par la grande diversité des paysages. Plus de 340 espèces d’oiseaux y ont été jusqu’à présent inventoriées. Chaque jour, nos deux guides espagnols nous feront découvrir un ou deux de ces habitats pour y observer les espèces qui leur sont associées.
Le premier jour, nous nous rendons dans le Parc National de Monfragüe pour observer des oiseaux qui nichent dans les rochers : trois espèces de vautours, des Cigognes noires et des aigles pour ne citer que les plus impressionnants.
Un assez long déplacement, entrecoupé de nombreux arrêts, nous permet de découvrir dans la région de Merida de grands lacs de barrage sur la rivière Guadiana.
Nous passons une partie de l’après-midi à Mérida, ville possédant un riche patrimoine romain.
De nombreux grands échassiers se sont établis le long des rives du fleuve: plusieurs espèces de hérons, des grandes Aigrettes, des Ibis falcinelles …
Les paysages qui m’ont le plus frappée en Estrémadure sont les dehesas, ce qu’on appelle dans le Jura des pâturages boisés. En Suisse, comme partout dans le monde où s’étendaient de grandes forêts, l’homme a déboisé pour lui permettre de cultiver et d’élever du bétail. Chez nous, les arbres que l’on n’a pas abattus ou que l’on a replantés sont des Sapins blancs et des Epicéas. En Estrémadure, ce sont des chênes verts et des chênes-liège qui quadrillent le paysage. On y aperçoit parfois un troupeau de vaches, des porcs se nourrissant de glands dont le jambon est très recherché des gourmets et des moutons.
On rencontre fréquemment dans ce milieu la Pie bleue, la Huppe fasciée et de nombreux petits passereaux.
Les steppes, étendues immenses de pâturages et de cultures de céréales, constituent un milieu que nous ne connaissons pas en Suisse.
C’est là que l’on peut apercevoir avec de la chance ou beaucoup de patience la grande Outarde ou Outarde barbue et la petite Outarde appelée aussi Outarde canepetière (à défaut de photos que je n’ai pas pu prendre, je donne l’adresse d’un site où vous trouverez des renseignements sur ces deux espèces si vous le souhaitez.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Outarde
https://fr.wikipedia.org/wiki/Outarde_canepeti%C3%A8re
Si l’on veut éviter les risques d’insolation, il vaut mieux éviter d’aller à la recherche de ces oiseaux en milieu de journée: dans ces steppes, l’ombre est inexistante. Forts de leur expérience, nos guides ont adapté l’organisation de la journée: au lieu de pique-niquer sur le site d’observation, nous sommes rentrés à la mi-journée à l’hôtel pour le lunch et nous nous sommes déplacés en fin d’après-midi « au milieu de nulle part » mais où les chances de voir des outardes étaient grandes. La stratégie a été gagnante: les deux espèces se sont laissées observer longtemps aux jumelles ainsi que six ou huit Ganga cata (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ganga_cata). Après ces observations inespérées, nous avons assisté à un magnifique coucher de soleil tout en savourant le pique-nique amené sur place.
Après cette fin de journée mémorable, retour à l’hôtel sous un ciel constellé d’étoiles, encore plus nombreuses que dans nos yeux.
Le programme prévoyait une changement d’hébergement en fin de semaine pour nous rapprocher de Madrid. Nous avons quitté Torrone el Rubio pour passer les deux dernières nuits dans la Sierra de Gredos. Objectif de notre dernière journée d’observations: apercevoir ou photographier, pour ceux qui ont un téléobjectif assez puissant, la Gorgebleue à miroir, un oiseau rarement observé en Suisse que je n’ai pas encore eu l’opportunité d’admirer de visu.
Notre car nous dépose à l’entrée du Parc régional Sierra de Gredos, domaine des bouquetins, paradis des randonneurs. Nous sommes en plein week-end de l’Ascension et les Espagnols sont nombreux à être venus se balader dans le parc: le parking est complet. Nous ne nous attendions pas du tout à voir autant de monde dans ce lieu que nous imaginions perdu mais qui, en fait, n’est éloigné de Madrid que d’une centaine de kilomètres. Mais pour nous, il n’est pas question de partir à la découverte des lacs et des paysages montagneux du parc: nous sommes là pour tenter de voir la Gorgebleue à miroir. Nous restons un long moment à l’affût dans les genêts, scrutant le moindre vol dans les buissons.
Mais la chance n’est pas au rendez-vous. Après le pique-nique, nous redescendons bredouilles. Arrivés au parking, nous avons cependant le plaisir d’observer, à quelques mètres de distance, une dizaine de bouquetins, pas craintifs du tout.
En fin d’après-midi, nous repartons en montagne avec toujours le même objectif: observer la gorgebleue. Et cette fois, c’est bingo: ce très bel oiseau daigne enfin se montrer, mettant un point d’orgue à une semaine riche en observations ornithologiques, en découvertes d’une région dont nous ne connaissions que le nom et en riches moments d’échange avec nos amis cépobiens.
Demain, nous prendrons congé de nos guides espagnols et nous nous envolerons vers la Suisse où je retrouverai avec plaisir mon coin de terre jurassien.