Mercredi 8 mars
Après le long voyage de la veille, une journée moins pénible est programmée. Un premier arrêt dans la ville de Pretoria nous permet de faire quelques pas dans les grands jardins qui bordent les bâtiments de l’Union, siège du pouvoir exécutif, abritant donc aujourd’hui encore les bureaux du président en exercice et de son équipe.
Nous devons nous contenter de regarder cet imposant bâtiment en grès ocre de loin, car des grillages en interdisent l’accès. Ce complexe comprend un bâtiment central à colonnade qui court autour de l’amphithéâtre où Mandela a prononcé son discours inaugural après son investiture en 1994. Les deux ailes de l’édifice représentent les deux langues officielles, l’anglais et l’afrikaans, en vigueur à l’époque de l’Union en 1910.
Dans les jardins, méticuleusement entretenus par une armada de jardiniers, est érigée une statue en bronze de Nelson Mandela qui contemple la ville.
Avec notre car, nous traversons les quartiers huppés de Pretoria où de nombreux consulats et ambassades se sont installés.
Nous nous dirigeons ensuite vers le « Voortrekker Monument » : le monument commémoratif de l’exil des Boers, nom donné aux premiers émigrés néerlandais qui s’installèrent au Cap.
Ce monument massif, perché sur une colline à l’extérieur de Pretoria, est considéré par les Afrikaners comme un symbole rendant hommage aux milliers de pionniers qui, entre 1834 et 1854 fuirent la colonie du Cap et le joug anglais pour s’installer à l’intérieur des terres. Ils furent à l’origine de la création des républiques boers du Transvaal et de l’Etat libre d’Orange.
Un impressionnant convoi de 64 chariots, gravés dans le mur de granit situé autour du monument, illustre la bataille de Blood River qui opposa les Boers aux Zoulous.
Copie d’un char de l’époque
L’imposant « Hall of Heroes » comprend une immense fresque de marbre illustrant le Grand Trek (cette grande migration) ainsi que le quotidien des pionniers et des Zoulous. L’ensemble est fascinant à voir.
Un cénotaphe à la mémoire des victimes du Grand Trek s’élève au centre.
Après ces deux visites, il est temps d’aller manger. Nous allons à Soweto…
. où nous sommes attendus dans un ancien Shebeen, bar clandestin, converti en restaurant. Le cadre n’a pas dû beaucoup changer depuis l’époque de l’apartheid: locaux sombres, exigus, cuisine rudimentaire, mobilier réduit au strict minimum.
Les mets que l’on nous sert, sous forme de buffet, sont bons mais le bruit ambiant occasionné par deux groupes de touristes français, dont le nôtre, ne donne pas envie de s’attarder plus que nécessaire! Le ventre plein, nous reprenons le bus qui nous amène à la maison de Mandela.
L’après-midi est ainsi consacré à des lieux de mémoire à Soweto. Cette banlieue-dortoir fut créée dans les années 1950 par le gouvernement de l’apartheid à l’intention des ouvriers noirs venant travailler en ville. Mais elle a depuis considérablement évolué. Soweto (South Western Townships) n’a cessé de s’étendre de façon désordonnée…
Scènes de rue à Soweto
Aujourd’hui, c’est une ville à part entière où évoluent quelque deux millions de personnes. On y trouve des habitations de toutes sortes, aussi bien des mansardes aux toits de tôle ondulée que les maisons luxueuses des nouveaux riches. Les « boîtes d’alumettes », ces maisons construites par le gouvernement, y sont encore omniprésentes.
Maison de Nelson Mandela, ouverte au public le 11 février 2000, pour le 10e anniversaire de sa libération
Cette maison, Mandela l’habita jusqu’à son arrestation en 1962. Il y passa 11 jours après sa libération en 1989.
C’est l’une de ces nombreuses « boîtes d’allumettes », habitations de quatre pièces (48m2), jadis destinées aux travailleurs noirs immigrés.
Nous marchons ensuite jusqu’à la maison de Desmond Tutu, fermée au public. Ce dernier ne l’habite pas, il réside au Cap mais elle reste propriété privée de sa famille.
Notre promenade du souvenir nous mène au Hector Peterson Memorial. Ce jeune garçon nous était inconnu jusqu’à ce jour et, pourtant, il a joué, comme tant d’autres enfants de Soweto, un rôle non négligeable dans la lutte anti-apartheid. Cet écolier, âgé de 12 ans, est mort le 16 juin 1976, tué par la police lors d’une manifestation visant à protester contre une loi imposant l’afrikaans comme langue d’enseignement pour les enfants noirs, en lieu et place de l’anglais.
Cette photo, parue dans un quotidien noir de Johannesburg le lendemain de l’émeute, le représente mort, porté par un autre écolier, aux côtés de sa soeur Antoinette en uniforme d’écolière; ce cliché est devenu le symbole de la répression à l’encontre de la population noire organisée par le gouvernement sud-africain et de ses lois sur l’apartheid.
La police a tiré sur des enfants. Je dirais que c’est le site le plus émouvant de Soweto.
Le sourire et l’insouciance des écoliers d’aujourd’hui à l’endroit où Hector a trouvé la mort
Le musée de l’Apartheid nous permet de comprendre l’inexplicable et de plonger au coeur de la folie du système de séparation raciale, appliqué en Afrique du Sud de 1948 à 1991. La muséographie est remarquable et j’aimerais seulement donner un exemple : dès le guichet d’entrée, les visiteurs se voient remettre des tickets différents puis ils accèdent au musée proprement dit par deux portes séparées surmontées d’écriteaux « blankes/ whites » ou « nie blankes/non whites ». Chacun se dirige alors vers l’une des entrées suivant le billet reçu.
Une expérience qui permet de saisir les humiliations quotidiennes qu’engendrait le dispositif de l’apartheid basé sur le tri des êtres humains. Nous avons été très impressionnées par les documentaires montrant les nombreuses discriminations subies par les Noirs dans la vie quotidienne ainsi que ceux attestant de la violence de la répression mise en place par le régime.
Pas de photos personnelles à l’intérieur, elles sont interdites.